Salle 4
Lucifer, des corps différents au fin fond de l’Enfer
La figure du diable, ou mieux du roi des diables, appelé Satan ou Lucifer, appartient à la religion chrétienne et non à la culture classique ; mais même dans ce domaine, apparemment étranger à l’héritage de l’Antiquité, Dante garde un lien très étroit avec les sources latines. D’abord, il appelle le roi des diables avec différents noms, mais il utilise le nom classique de Dité plus souvent que les noms chrétiens Satan et Lucifer ; il suffit de penser à la « cité de Dité » avec « le sue meschite […] vermiglie come se di foco uscite » (Inf. VIII, 70-72, ses mosquées … vermeilles, comme sorties du feu), correspondant aux « larges bâtisses ceintes d’une triple muraille » qui entourent la partie la plus profonde de l’Averne que Virgile décrit au livre VI de l’Énéide (vers 549). Parfois Dante semble même identifier Lucifer au dieu païen des enfers, Pluton, d’où il tire d’ailleurs également le nom d’un autre diable, à savoir « Pluto ». En outre, l’aspect horrible de Lucifer avec « tre facce a la sua testa » (Inf. XXXIV, 38, sa tête [qui] avait trois faces) d’une part constitue une grotesque caricature de la trinité, mais rappelle de l’autre une créature mythologique, notamment l’un des monstres aux caractéristiques physiques « triples » qu’Énée rencontre dans l’Averne, selon le récit virgilien : Géryon, « ombre à trois corps » (Énéide, VI, 289), et « l’énorme Cerbère aboyant de ses trois gueules » (ibidem, vers 417). (Giampiero Scafoglio)