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Out of Hell, stairway to Paradise

Le Monstre jamais vu se promène au paradis terrestre. 

Dante place l’Eden biblique au sommet du Purgatoire chrétien. Après Adam, il est le seul homme à sillonner vivant le paradis terrestre, où il perd définitivement Virgile et où il rencontre Béatrice, décédée à Florence neuf ans auparavant (Purg. XXX). A la fin de la cantica du Purgatoire, Béatrice invite Dante à regarder le plus terrible des monstres bibliques. Il s’agit de la bête apocalyptique à sept têtes et dix cornes, considérée depuis toujours comme le dernier ennemi de la foi (Purg. XXXII). Le voyage de Dante sur la sphère terrestre s’étend jusqu’à ce monstre. Et il s’achève devant lui. Ce monstre aux sept têtes apparaît dans des manuscrits français contemporains de l’écriture de la Divine Comédie, tels que l’Apocalypse ou le Liber Figurarum. (Paola Allegretti)

L’Aigle du Ciel de Jupiter

Au cinquième Ciel, le Ciel de Jupiter, vit dans l’éternité l’aigle de l’empire. L’aigle est constitué des lumières des âmes des hommes ayant gouverné le monde. Ces bienheureux écrivent dans le Ciel de Jupiter le premier verset latin du Liber Sapientiae Salomonis puis donnent vie, ensemble, à un Aigle démesuré (Par. XVIII). Ils deviennent un animal héraldique et métaphysique. Monstrueux. Il s’agit d’un monstre fait à partir de nombreux individus vivants, comme plus tard l’a été le Léviathan de Hobbes (1651). Cet Aigle révèle à Dante une page du livre du jugement universel (Par. XIX). (Paola Allegretti)

L’aigle dans le ciel de Jupiter (Par. XVIII-XIX).

Voici un autre aigle extraordinaire, après celui dont Dante a rêvé au chant IX du Purgatoire que Doré a illustré avec soin. Ce monstrum est, quant à lui, un et multiple, composé d’âmes que Doré a choisi de représenter ailées comme des anges, en rendant à la lettre la similitude que Dante établit entre les bienheureux et les oiseaux (Par. XVIII, 73-75). Il en résulte une forme de mise en abyme ornithologique conférant à la forme d’ensemble une légèreté et une vibration d’une efficacité rare : en regardant l’image, on croirait entendre un froissement et une agitation de ces ailes, on croirait voir un affolement d’ailes qui s’ouvrent et se referment en tout point, rendant l’aigle de l’Empire particulièrement mobile.

Les essaims d’âmes-anges qui défilent autour de la figure centrale confèrent sa profondeur à un ciel qui, autrement, risquerait de paraître trop plat ; ils rappellent et multiplient la forme de l’aigle dans un vaste spectacle de danse synchronisée. Et si l’insigne artiste qui l’a créé (Dieu-Dante) ne connaît ni maîtres ni modèles (Par. XVIII, 109-110), Doré fait de son mieux pour être à la hauteur… (Diego Pellizzari)

Le char métamorphique (Purg. XXXII).

Dante fait subir au char de la procession mystique une métamorphose surprenante pour rendre visible la dégénérescence de l'Église suite à la donation de Constantin : après s’être recouvert, en un éclair, des plumes de l’Aigle impérial, «le char sacré fit paraître plusieurs têtes en ses diverses parties, trois au timon et une à chacun de ses coins» (Purg. XXXII, 143-145). Doré apprivoise, comme il le fait à d’autres occasions, les données textuelles les plus étranges : il ne bâtit pas un char apocalyptique à sept têtes, mais "à sept bêtes” - un char de trait ; les plumes disparaissent, le nombre de cornes (dix au total) n’est pas reproduit, les têtes des monstres sont disposées avec élégance et symétrie.

Dans le cadre d’une forêt évoquant le gothique et les contes davantage que le paradis, Doré place le char en position frontale, en le faisant avancer vers le spectateur de manière à le happer. On dirait, de plus, que l’aspect lascif de la «prostituée mi-nue» (149) assise au centre du char (allégorie de la Curie romaine), est transféré à son amant (allégorie du roi Philippe Le Bel) : il n’apparaît pas comme un géant brutal et violent, comme dans le texte de Dante, mais comme un gardien sensuel au goût nettement orientaliste. (Diego Pellizzari)

Salle 5
Out of Hell, stairway to Paradise